Je ne suis pas un grand lecteur. Je ne sais pas, au juste,
ce qu’est un grand lecteur. Mon expérience de la lecture est discontinue, comme
ma mémoire. Ma mémoire est lacunaire, peu précise, et son activité première
n’est pas de stocker objectivement les données du réel, mais de produire du
factice, du faux, de l’édulcoré. Si lire
est du même ordre que se souvenir, il
y a du souci à se faire…
Dans mon expérience de lecteur, il y a donc de grands
trous : des périodes sans livres. Je ne suis pas tombé dans les livres, comme le disent certains passionnés. Pour
moi, prendre un livre résulte d'une envie forte, c'est la réponse à un appel parfois
irrésistible. Mais que je me plonge dans un livre, et je prends soudain
conscience de tout ce que je vais perdre à la place. (Quoi par exemple ? eh bien je ne sais pas : peut-être
d’autres livres...) Il y a donc eu beaucoup de rendez-vous manqués. Des
livres qui me sont tombés des mains, car souvent trop denses, trop concentrés,
trop puissants, avec effet déflagrant. Plus de livres commencés que de livres
terminés. Et puis, enfin, des lectures tardives, qui m’ont donné l’impression
de mieux respirer.
Comme sur ce blog il s’agit d’écrire, et que l’écriture
est le lieu du rapprochement, je fais ce premier rapprochement : la
lecture a quelque chose à voir avec la respiration. Si vous n’êtes pas encore
trop malade, les livres sont des bouffées d’air pur (attention, il y en a de
viciées). Si déjà la maladie vous ronge, les livres sont des intubateurs. Ils
vous servent d’assistance respiratoire. A d’autres moments, quand plus aucune
machine ne fonctionne, les livres sont des bouche-à-bouche salvateurs.
Ce qui est sûr, c’est que j’ai longtemps cru que
respirer n’était qu’une activité réflexe, ne nécessitant aucun apprentissage.
Je sais maintenant que ce n’est pas vrai. Les chanteurs le savent :
respirer, cela s’apprend. Mettons que ce blog tourne autour de la respiration
et du souffle...